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L’école libère (enfin) la parole

Cette année, les lycéens de terminale vont essuyer les plâtres du nouveau bac, avec cette innovation : un « Grand Oral » lors des épreuves finales. Vingt minutes de présentation, debout et sans note, pour, dixit le bulletin officiel du ministère, « permettre au candidat de montrer sa capacité à prendre la parole en public de façon claire et convaincante ». 

Il en aura fallu du temps à l’Education nationale pour en arriver à ce constat d’une banale évidence : « Apprendre à s’exprimer, argumenter (…) sont des compétences indispensables dans la vie professionnelle. » Examens, concours, entretiens d’embauche, réunions de travail, appels d’offre, séminaires, éventuellement interviews dans les médias… tout au long de sa carrière, la réussite d’un individu dépendra en grande partie de son aisance à l’oral. 

Or, dans cette France de tradition intellectuelle où l’écrit a toujours dominé, les talents oratoires sont encore trop peu stimulés à l’école. Combien d’exposés un lycéen de terminale en France aura-t-il présenté durant toute sa scolarité ? 

Pourtant, certaines appréhensions peuvent être vaincues dès l’âge le plus tendre… En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, les élèves sont encouragés à prendre la parole, à peine sortis du berceau. En maternelle, les orateurs en culotte courte racontent à leur classe l’histoire d’un doudou ou les aventures d’une poupée lors de séances dites « show and tell ». En France, certaines initiatives ont vu le jour comme celle de Frédéric Lenoir et de son Parcours Sève qui dans les écoles dès le plus jeune âge organise des ateliers philosophiques : y sont développés la réflexion, l’élaboration d’une pensée construite, l’écoute active, la capacité à prendre la parole, la communication non violente. 

En vue de leur « Grand Oral », les lycéens de terminale bénéficieront de 12 heures d’entraînement – on n’ose dire de « coaching » ! – à la prise de parole. Au-delà, le ministre Jean-Michel Blanquer souhaite que l’expression orale soit renforcée tout au long de la scolarité. Cette ambition ne pourra se réaliser sans les enseignants. Trop souvent encore, la pédagogie en France inhibe plus qu’elle ne libère la parole. Même s’il n’est pas question de les encourager à parler à tort et à travers, les élèves doivent pouvoir s’exprimer sans crainte de se tromper. 

Sans cette indispensable bienveillance des professeurs, trop de jeunes Français continueront de préférer le confort du silence à la prise de risque qui accompagne toute prise de parole en public.